OCCASION DE BÉNÉVOLAT : membre du comité de mise en candidature
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23 April 2023Lorsque Céline Rathé, Geneviève Baron et Nicole Lavoie ont décidé de mettre sur pied une formation d’autodéfense destinée aux femmes, elles s’imaginaient faire la tournée des écoles ou des centres jeunesses de leur région. Les trois membres du Club Judokas Jonquière ont ensuite constaté que leur idée avait une portée beaucoup plus grande, particulièrement chez leurs voisines de la communauté innue de Mashteuiatsh, située sur la rive ouest du Lac St-Jean, au Québec.
Récit d’une belle histoire qui n’a pas fini de s’écrire.
Plus jamais, la peur
Céline Rathé a commencé la pratique du judo à l’âge de 30 ans et est membre du Club Judokas Jonquière depuis 35 ans. Désormais à la retraite, cette ceinture noire deuxième dan avait en tête depuis un moment déjà de démarrer un projet pour aider les femmes à se sentir en sécurité. L’élément déclencheur a été une mauvaise expérience personnelle.
« Je m’étais fait suivre (dans la rue) et j’avais eu peur. Je me suis dit que ce n’était pas vrai que ça continuerait comme ça », s’était-elle promis.
Un premier groupe d’élèves était sur le point d’être formé lorsque la pandémie a frappé. Tout a été mis sur la glace, mais le projet est demeuré vivant. Constatant que Judo Canada offrait des formations en ligne afin de maintenir sa communauté active pendant le confinement, Mme Rathé a contacté la fédération nationale pour lui présenter son idée et elle a été acceptée en octobre 2021.
Nicole Lavoie et Geneviève Baron se sont ensuite jointes à elle. Ce projet de formation d’une dizaine d’heures a depuis été présenté à 57 femmes âgées de 15 à 72 ans, réparties en 9 groupes, dont certains étaient composés de plusieurs mères accompagnées de leurs filles.
Mme Baron a de très bons souvenirs lorsqu’elle a suivi sa formation qui lui avait été offerte par Daniela Krukower. Elle croit même que cela l’a poussée, à son tour, à devenir elle aussi une formatrice.
« Elle était vraiment passionnée et elle nous a tellement bien montré les techniques que ça nous a transmis la passion. Vraiment ! »
Au-delà des techniques d’autodéfense
C’est une participante innue, présente à un de leur atelier, qui a été la porte d’entrée de la formation à Mashteuiatsh. La participante était déjà une adepte des arts martiaux, mais pas du judo : plutôt du taekwondo, et une ceinture noire en plus ! Habituée à donner des coups de pied et des coups de poing, elle voulait apprendre à mieux se défendre au corps-à-corps.
Cette dernière a trouvé la formation si pertinente qu’elle voulait que ses concitoyennes qui ne sont pas des athlètes comme elle aient aussi accès à cette ressource. Le mot s’est rapidement passé dans la communauté et le trio de formatrices est allé à sa rencontre.
Au début des ateliers, Mme Rathé mentionne avoir été sous le choc d’entendre de nombreux témoignages de femmes qui ont été victimes de violence ou qui se sont senties en danger.
« Elles ont partagé leurs expériences. C’était vraiment touchant ! Même si j’ai eu peur quand je me suis fait suivre, ce que ces femmes-là ont vécu, c’est autre chose, a-t-elle confié. On a vraiment l’impression de faire une différence. Ces filles-là étaient contentes de venir apprendre à se défendre. On ne pense pas que ça peut arriver si proche de nous. »
Mme Rathé a à ce point été ébranlée par les témoignages des participantes qu’elle s’est questionnée si elle était réellement en mesure de leur venir en aide. Ce doute s’est rapidement dissipé lorsqu’une membre du groupe a déclaré qu’elle avait été marcher près de sa résidence, chose qu’elle n’osait plus faire parce qu’elle était trop craintive.
« J’ai fait tout ce que vous m’avez dit : j’ai gardé la tête haute, j’ai respiré et j’ai marché. Je ne peux pas croire que je vais recommencer à marcher dans mon quartier ! » avait raconté cette participante.
C’est à ce moment que la formatrice a compris qu’elle ne transmettait pas seulement des techniques de prise ou d’immobilisation.
« Les outils qu’on leur offre leur donnent aussi de la confiance. […] C’est une libération de sentir que leur corps leur appartient et qu’elles sont capables de se défendre. »
Geneviève Baron a elle aussi été en mesure de constater que la formation d’autodéfense constitue un outil de prise en main.
« Je me souviens d’une élève qui était timide et qui ne voulait pas faire les exercices avec les autres. Elle était vraiment craintive et à la fin du cours, elle faisait tout et elle était beaucoup plus ouverte. C’est tellement valorisant et plaisant, ça n’a pas de bon sens ! » a-t-elle exprimé avec enthousiasme.
Certaines de ces femmes occupent des postes de préposée aux bénéficiaires ou d’employée de banque. Des métiers dans lesquelles elles ont été confrontées à des épisodes de violence dans le cadre de leur travail.
Céline Rathé est d’ailleurs très bien placée pour comprendre cette réalité.
« J’ai travaillé dans un milieu où cette formation aurait été utile, car j’étais vérificatrice fiscale », a lancé la retraitée en riant. « Des coups de poing sur la table et se faire sacrer après, ce n’est pas arrivé juste une fois ! »
L’an prochain, les jeunes athlètes du Club Judokas Jonquière verront peut-être moins souvent leur professeure Céline étant donné que la formation d’autodéfense a le vent en poupe.
« Il y a de la demande et ça semble être un gros besoin pour elles. »
Les organisatrices ont hâte à suivre le deuxième volet de la formation de Judo Canada pour ensuite, à leur tour, transmettre leur savoir, car les élèves de la deuxième cohorte sont elles aussi impatientes.
« Je lance un petit message à Judo Canada : nous sommes prêtes ! », a conclu Geneviève Baron en riant.