Rencontre avec les femmes d’influence en judo au Canada Par Monica Lin Morishita

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Rencontre avec les femmes d’influence en judo au Canada


Monica Lin Morishita est une journaliste qui médaillée d’or aux Prix du magazine canadien et a écrit pour Maclean’s, Toronto Life, Châtelaine, Canadian Living et The Globe and Mail. Elle a reçu sa maîtrise des beaux-arts en création littéraire de l’Université de la Colombie-Britannique. Elle a travaillé pendant 10 ans en télévision sous l’égide de Chum Group Limited pour Citytv, MuchMusic, Bravo, CP24 et MZTV avant de devenir journaliste indépendante. Son travail a reçu le soutien généreux du Toronto Arts Council et du Conseil des arts de l’Ontario. L’intérêt de Monica pour le judo s’est éveillé lorsque son mari l’a convaincue de s’inscrire à des cours pour se mettre en forme. Depuis, le sport est devenu une affaire de famille. En 2017, Monica a remporté l’or au championnat provincial de l’Ontario en Ju No Kata (tori). En mai 2018, elle était médaillée de bronze en Ju No Kata lors du championnat national de judo. Monica continue de faire des compétitions de kata et écrit des blogues sur le judo en tant que sport récréatif.

Par Monica Lin Morishita

Selon un article de Nielsen report (en anglais) du mois dernier, l’intérêt envers le sport féminin est à la hausse. La recherche de Nielsen indique que taux de variation du sport féminin est « l’une des tendances les plus prometteuses dans l’industrie du sport actuellement ». Des preuves de cette vague se font remarquer en judo dans tout le pays. J’ai commencé à remarquer ce changement il y a 6 mois, lorsque Judo Canada a organisé son tout premier Sommet féminin à Montréal. Une vingtaine de femmes, représentant presque toutes les provinces, ont assisté à cette première édition. J’ai eu la chance de faire partie des invitées.

Je ne me doutais pas que je m’apprêtais à rencontrer certaines des femmes les plus influentes et renommées du judo au Canada. Parmi elles, on retrouvait des Olympiennes et des futures Olympiennes, des entraîneures d’élite, des instructrices, des directrices techniques, des professeures, des athlètes, des physiothérapeutes et plus encore. Je ne savais pas non plus que vous allions discuter des sujets qui touchent les femmes qui pratiquent le judo. En tant que « nouvelle » (ceinture brune, je fais des compétitions de kata), c’était un honneur et un privilège de rencontrer ces femmes. Cependant, ce n’est que bien après le Sommet que j’ai compris la portée réelle de ce que nous y avions accompli. Lorsque nous nous sommes rassemblées pendant cette fin de semaine estivale, il n’y avait pas de grandes présentations; nous nous sommes regroupées comme un groupe d’intérêt régulier de mères, de collègues, de connaissances et d’inconnues qui aiment le judo.

J’avais peu d’attentes lorsque je suis arrivée en ce matin du 15 juin. Marie-Hélène Chisholm, la gérante de haute performance de Judo Canada et présidente du comité d’équité des genres, m’avait dit dans un courriel que les objectifs du Sommet étaient de mieux comprendre les enjeux rencontrés par les femmes en judo et d’augmenter la proportion de femmes dans toutes les sphères de notre sport. Il y avait 6 présentations et conférences à l’horaire, ainsi que des périodes de discussion sur différents sujets. Je me suis présentée à l’évènement avec ces buts en tête.

Premier Sommet féminin annuel

Au fil des années, j’ai assisté à différentes conférences, principalement sur l’écriture. J’y assiste pour mieux comprendre et améliorer mon art et ma technique. Je vais élargir mes horizons et mon réseau et me développer en tant qu’écrivaine. Je ne sais pas si le Canada organise des congrès de judo, mais je m’attendais à ce que le Sommet féminin ressemble à ça. Les organisatrices m’ont dit que nous n’irions pas sur les tapis et que nous n’aurions pas besoin de nos judogis; je recevrais plutôt un horaire qui incluait des sujets de discussion comme la nutrition, comment garder les femmes en sport et comment prendre sa place dans le monde sportif.

À ce moment, ces sujets n’étaient que des mots sur une page, comme lorsque vous voyez un titre comme Inflation et augmentation des taux d’intérêt. Je comprenais ce qu’ils voulaient dire, mais ils restaient peu concrets. Ce n’est que lorsque nous nous sommes trouvées au cœur des discussions, lorsque les femmes parlaient de leur propre expérience, que j’ai réellement compris la portée et l’ambition du sommet féminin.

Ça n’a pris que quelques heures avant que j’aie le cœur brisé. C’est à ce moment que j’ai appris à quel point il est difficile pour une femme de réussir en judo en tant qu’athlète ou personne en situation d’autorité. Il est déjà assez difficile pour les femmes d’atteindre le même succès que les hommes sur le marché du travail… En sport, c’est encore plus difficile.

Par rapport aux autres femmes présentes, ma connaissance du judo est limitée. Plusieurs d’entre elles ont fait du judo toute leur vie. C’est dans leur sang. Certaines sont des judokas de deuxième génération, qui sont maintenant elles-mêmes mères d’athlètes, alors que j’ai commencé la pratique du judo dans la trentaine. Je suis inscrite à un cours récréatif pour femmes seulement dans un environnement à but non lucratif du Japanese Canadian Cultural Centre. C’est une classe unique et spéciale. Bien que notre club compte plusieurs groupes de judo et que certains sont des athlètes d’élite, mon groupe de femmes est distinct des cours mixtes. Nous sommes protégées, de manière positive, de la plupart des problèmes abordés lors du sommet. Pour cette raison, lorsque j’ai appris les problèmes rencontrés par les femmes dans notre sport aujourd’hui, j’étais troublée et ébranlée. Voici les 3 principaux qui me viennent à l’esprit.

L’abus dans le sport

L’un des premiers sujets abordés était l’abus envers les femmes dans le sport. Tous les instructeurs savent que cela se produit. Les différentes manifestations d’abus sont l’humiliation, l’intimidation, les menaces, les punitions corporelles, le harcèlement, les entraînements punitifs excessifs et la violence psychologique, physique et sexuelle. On nous a demandé si nous avions déjà été témoins ou victimes de violence envers d’autres femmes en judo. J’ai levé la main, ainsi que toutes les femmes autour de moi. J’ai eu le souffle coupé. Toutes avaient déjà été témoins de ces situations, mais aucune ne semblait aussi ébahie que moi. Il y a une raison pour laquelle personne d’autre n’était sous le choc.

La dure vérité est que l’abus est normalisé en judo, comme il l’a été dans plusieurs autres sports. Les coupables sont les coéquipiers, les instructeurs, les parents ou les entraîneurs. Tous les senseis, entraîneurs et judokas pourraient profiter de formations. Nous ne voulons pas de mal au sport que nous aimons et aux athlètes qui nous ont été confiés. Il y a des conséquences à tous les niveaux : psychologique, physique, social et éthique, sociétal et réputationnel. Au final, l’abus est un pas vers l’arrière.

Les filles abandonnent le judo

Une des révélations pour moi était le taux d’abandon du judo des jeunes filles, ainsi que leurs raisons. Nous n’avons pas de statistiques claires, mais plusieurs clubs trouvent difficile de retenir les filles. Les filles ont tendance à se tenir avec les autres filles, créant un cercle vicieux : si vous n’avez pas déjà de filles dans vos groupes, il sera difficile d’en attirer d’autres.

En psychologie, on apprend que les filles et les jeunes femmes recherchent un sentiment d’appartenance et d’acceptation. Une grande partie de la solution pour retenir les filles dans votre dojo est de créer un environnement qui favorise l’appartenance et l’acceptation des filles. Ces jeunes femmes sont des futures athlètes, coéquipières et leaders : nous avons besoin d’elles. Les clubs qui veulent connaître plus de succès à l’avenir devraient trouver des stratégies pour recruter et retenir les filles et les femmes.

L’importance du judo récréatif

L’une des raisons qui suscitent l’engouement envers le sport féminin est le grand marché potentiel inexploité d’intérêt, de participation et de spectateurs. Ce qui m’a fasciné est le temps alloué aux discussions concernant le développement des athlètes d’élite, en sachant que la majorité s’intéresse plutôt au judo récréatif. L’entraînement de haut niveau est prestigieux et intéressant. Nos athlètes sont très importants. En sport, tout est une question de chiffres : pointage, temps, vitesse, etc. L’économie est également une question de chiffres. Les sports récréatifs sont les plus populaires au monde pour la mise en forme. Financièrement parlant, ne serait-il pas plus logique d’investir plus de temps pour trouver des façons d’attirer et de retenir les membres récréatifs? Les membres récréatifs sont ce qui permet de soutenir n’importe quel sport organisé.

Les sports créent des émotions, de l’euphorie et des possibilités

Le but du sommet était de donner des outils et d’inspirer les participantes à devenir les ambassadrices de leur province pour faire évoluer le judo féminin au Canada.

En repensant à ce premier sommet féminin, je sens que l’avenir est prometteur et plein d’espoir. Certaines discussions étaient enflammées, mais je n’en attendrais pas moins d’un groupe de femmes de tête passionnées. D’autres moments m’ont inspirée ou m’ont laissée rêveuse. Après le sommet, je suis repartie en pendant à tout ce qu’il y avait à faire. Comment apporter les changements qui sont nécessaires? Par où devons-nous commencer?

Je vois ici une possibilité pour tous les leaders d’amorcer un changement important et significatif.

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