Le judo à l’ère du numérique
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Bernard Letendre pratique le judo depuis près de 40 ans, est ceinture noire troisième dan et instructeur au club de judo de l’Université de Toronto. Blogueur actif se spécialisant dans des sujets relatifs au leadership, à la culture d’entreprise et à la responsabilité sociale, Bernard est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en droit de l’Université de Montréal. Membre du barreau du Québec et auteur publié, il compte 25 années d’expérience dans le secteur des services financiers qu’il met à profit dans l’exercice de ses fonctions de chef de la gestion de patrimoine et d’actifs, Canada chez Manuvie.
Bernard Letendre pratique le judo depuis près de 40 ans, est ceinture noire troisième dan et instructeur au club de judo de l’Université de Toronto. Blogueur actif se spécialisant dans des sujets relatifs au leadership, à la culture d’entreprise et à la responsabilité sociale, Bernard est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en droit de l’Université de Montréal. Membre du barreau du Québec et auteur publié, il compte 25 années d’expérience dans le secteur des services financiers qu’il met à profit dans l’exercice de ses fonctions de chef de la gestion de patrimoine et d’actifs, Canada chez Manuvie.
Planification de la relève – pour l’avenir de votre organisation
J’ignore le temps que vous passez à penser à la planification de la relève, mais moi, j’y pense beaucoup.
Dans quelques jours, comme à tous les mois de septembre, notre club de judo va accueillir des dizaines de nouveaux élèves. Si cette année ressemble le moindrement aux années précédentes, notre cours pour débutants va être rempli au-delà de sa capacité et de nombreux élèves, à leur grand malheur, vont se retrouver sur une liste d’attente. Sans aucun doute, le fait d’être un club universitaire présente de nombreux avantages lors du recrutement.
Notre club a la chance de compter sur des étudiants très impliqués (cliquez sur la photo ci-dessus pour voir la page Facebook du club). Au cours des dernières semaines, nos membres ont travaillé fort pour promouvoir le judo sur le campus. Des courriels ont été envoyés pour trouver des volontaires, des brochures ont été imprimées et distribuées lors de différents évènements et le club a participé à des démonstrations techniques qui ont permis à nos élèves de se présenter devant des centaines de nouveaux membres potentiels l’art martial qu’ils aiment.
Notre club existe depuis environ 40 ans, et bien qu’un dossier existe sûrement quelque part dans les archives de l’université, personne ne connaît l’année exacte de sa fondation. Ce que nous savons, c’est que génération après génération, les étudiants et les instructeurs se sont succédé pendant des décennies pour conserver ce qui est aujourd’hui une organisation vivante qui poursuit fièrement sa mission originale.
Le club compte actuellement trois instructeurs bénévoles âgés de 40 à 70 ans. Nous étions 4 jusqu’à ce que le plus âgé d’entre nous, à plus de 80 ans, décède suite à une maladie difficile il y a quelques années. Je suis le plus jeune du groupe et j’ai été recruté il y a quelques années après avoir été soigneusement approuvé par mes pairs pour s’assurer que je pourrais aider le club à atteindre le niveau voulu de compétence technique, mais plus important encore, que mes valeurs étaient alignées avec la culture du club.
L’un des plus grands défis de diriger un club sur un campus est le roulement. Le club dont j’ai fait partie pendant plus de 30 ans, avant de déménager à Toronto il y a 8 ans, comptait une clientèle extrêmement stable. Mon sensei était le fondateur du dojo et était à sa tête depuis plus de 50 ans. Plusieurs des instructeurs qui aidaient à l’enseignement étaient là depuis des décennies et le club a produit bien au-delà de 250 ceintures noires au cours des années; un flux continu d’élèves qui progressaient dans les rangs. Bien sûr, il y a plus au fait d’enseigner le judo que d’avoir une ceinture noire, et 12 ans ont passé après que j’ai atteint le premier degré de ceinture noire avant qu’on me demande formellement d’enseigner dans un dojo. Malgré cela, ou peut-être à cause de cela, la relève et la continuité semblaient sous contrôle.
Un club universitaire amène un défi très différent. Les nouveaux membres s’inscrivent généralement au début de leurs études de premier cycle et chaque année, nous perdons autant d’élèves que nous en recrutons, car les étudiants obtiennent leur diplôme, quittent l’université et commencent leur vie professionnelle. Les plus anciens membres de notre club sont des étudiants de cycle supérieur ou des anciens qui ont trouvé un travail en ville après la graduation et ont décidé de rester avec nous. Contrairement à mon ancien club, la pérennité représente un vrai défi. C’est ce qui rend si remarquable le fait que notre club ait réussi à poursuivre sa mission et à rester si prospère après toutes ces années.
Si l’on parle seulement des compétences techniques (que nous appelons waza), la succession ne représenterait pas un tel défi, mais le judo est plus que des compétences et des techniques : c’est une façon de vivre basée sur des principes fondamentaux et soutenue par les valeurs essentielles. Préserver la culture du dojo et transmettre cette culture et les valeurs qui y sont associées est aussi important que la transmission des aspects techniques, et même plus à mon avis. Autrement dit, les techniques de judo sans la culture du judo, ce n’est plus du judo, mais plutôt une version dénaturée et diminuée du judo.
Le judo est pratiqué par plus de 100 millions de personnes dans 200 pays. Il a été transmis à travers les générations par une chaîne continue de professeurs qui ont eux-mêmes été élèves. J’ai reçu le judo comme un cadeau précieux de mon propre professeur et c’est ma responsabilité de transmettre à la prochaine génération, au meilleur de mes capacités, ce que j’ai moi-même reçu de ceux qui m’ont précédé.
Il est difficile de transmettre une culture. Bien plus difficile, selon moi, que de transmettre des connaissances techniques. En tant que l’un des leaders de notre dojo, je ne peux pas déléguer cette tâche aux RH ou à une autre personne. Notre club existe depuis des dizaines d’années, mais d’une certaine façon, il reste très jeune et fragile. Nous avons réussi dans les dernières années à faire progresser nos élèves plus âgés dans les rangs, mais nous devons continuer à favoriser leur développement et nous avons besoin de beaucoup, beaucoup plus d’élèves qui vont leur succéder.
Ce que nous faisons est important. Ça transforme des vies pour le meilleur et, pour nous, c’est très important. C’est ma propre responsabilité, ainsi que celle de mes compagnons instructeurs et nos élèves seniors, de s’assurer que lorsque le jour viendra que nous ne pourrons plus continuer, d’autres viendront après nous pour transmettre aux prochaines générations le précieux cadeau que nous avons reçu de nos professeurs.