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Bernard Letendre
Chef de la gestion de patrimoine et d’actifs, Canada
Manuvie
Bernard Letendre pratique le judo depuis près de 37 ans et s’est entraîné pendant 30 and au Club Hakudokan de Montréal sous la direction technique de Raymond Damblant, 9e dan.  Bernard est ceinture noire troisième dan (Sandan) et enseigne le judo au Club de Judo de l’Université de Toronto. À l’extérieur du dojo, Bernard œuvre au sein de l’industrie des services financiers depuis 23 ans et est Chef de la gestion de patrimoine et d’actifs pour le Canada chez Manuvie, l’une des plus importantes firmes d’investissement au pays. Bernard est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en droit de l’Université de Montréal. Il est membre du barreau du Québec et a publié des ouvrages juridiques. Administrateur de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), il a également siégé au conseil d’administration des Grands Ballets Canadiens de Montréal, de la Fondation du Musée des beaux-arts du Canada et de la Fondation du Dr Julien.  Il vit à Toronto, avec sa femme et leurs trois enfants.

 

CELUI QUI M’A TANT DONNÉ

Je suis extrêmement chanceux d’avoir eu autant de bons modèles au fil des années. Tant au niveau professionnel que personnel, je ne serais pas où je suis aujourd’hui si ce n’était pas des personnes qui m’ont guidé, d’une façon ou d’une autre, pendant ma vie.

L’une de ces personnes a joué un rôle unique pour m’aider à devenir la personne que je suis : mon professeur de judo depuis près de 40 ans, Sensei Raymond Damblant.

M. Damblant n’est plus jeune, et son impressionnante carrière dans les arts martiaux a commencé bien avant la naissance de la plupart d’entre nous. Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, au début de l’adolescence, il devait avoir l’âge que j’ai aujourd’hui.

Il ne s’est jamais formalisé avec les rangs ou les titres et pour ceux qui pratiquent les arts martiaux, ne vous offusquez pas du manque de formalité; sachez que personne dans notre dojo ne l’appelait « Sensei », même si je connais peu de gens qui méritent plus ce titre que lui. À partir du moment où j’ai commencé à apprendre le judo, il y a des dizaines d’années, je l’ai toujours connu comme « Monsieur Damblant », et c’est toujours ainsi que je m’adresse à lui, avec beaucoup de respect et d’affection.

M. Damblant n’est pas vantard, et pendant toutes les années durant lesquelles il m’enseignait le judo, il n’a jamais parlé de ses accomplissements remarquables. C’était avant l’avènement d’Internet, et nous ne pouvions pas simplement aller sur Google pour en apprendre plus sur les autres. Ce que j’ai appris sur lui avec les années, je l’ai découvert presque par hasard, souvent à travers le regard admiratif d’un adolescent.

Dans sa jeunesse, avant de venir vivre au Canada, il a servi dans l’armée française. Il était visiblement un homme qui avait voyagé, même si à cette époque, je ne comprenais pas pourquoi un simple professeur de judo pouvait voyager autour du monde comme il le faisait. Il était aussi un homme éduqué qui pouvait parler français, anglais, espagnol et arabe, et je crois l’avoir entendu quelques fois parler japonais au téléphone. Pour un jeune, c’était très impressionnant.

Nous savions tous qu’il était en affaires, car ses locaux étaient voisins du dojo. Selon le quartier où il vivait et le genre de voitures qu’il conduisait, j’en ai rapidement déduit qu’il avait été un homme d’affaires qui avait connu le succès. Nous savions également que son école était ouverte à tous, et qu’il n’a jamais refusé quelqu’un qui n’avait pas les moyens de payer.

Rien de tout cela n’expliquait pourquoi les entraîneurs, instructeurs et arbitres de partout au pays le traitaient avec tant de respect lorsqu’il nous accompagnait aux tournois, et pendant longtemps, cela m’intriguait.

Bien des années plus tard, j’ai appris qu’il avait participé à l’organisation des Jeux olympiques de Montréal, qu’il avait été le directeur de compétition pour le judo lors des Jeux olympiques de Los Angeles, et qu’a un moment dans sa vie, il possédait le plus haut rang d’arbitre qu’il était possible d’atteindre au niveau international. Il est maintenant détenteur d’une ceinture noire 9e dan en judo, fait très rare et extraordinaire, mais il a également atteint un haut niveau dans plusieurs autres arts martiaux, un fait qui m’a laissé sans voix lorsque je l’ai appris, plusieurs années plus tard, à l’âge adulte. Comme vous pouvez le constater, M. Damblant est un homme accompli qui a connu le succès dans plusieurs sphères de sa vie. Une personne peut viser l’excellence dans plusieurs domaines, et je n’ai jamais oublié cette leçon en grandissant.

J’ai appris la plupart des leçons de M. Damblant en voyant ce qu’il était possible de faire, en passant du temps en sa compagnie et en l’observant : sa façon de parler, son comportement au dojo ou ailleurs, sa générosité envers des gens de tous âges, sa patience avec nous lorsque nous étions des adolescents turbulents, sa politesse envers nos parents et les autres adultes. Un homme qui a tant accompli et reste aussi généreux et humble est une leçon de vie en soi.

L’exemple suivant illustre ce dont je parle :

Lors des tournois, alors que les autres entraîneurs criaient des consignes à leurs athlètes pendant les combats, M. Damblant restait assis calmement dans sa chaise et ne nous parlait qu’à l’occasion, lorsque l’arbitre demandait une pause, et il conservait toujours un ton calme. Après nos combats, lorsque la situation s’y prêtait, il nous amenait à l’écart pour nous dire quelques mots en privé sur les choses à améliorer pour les prochains combats.

Après une victoire, il nous félicitait d’une manière calme et digne, alors que d’autres entraîneurs manifestaient leur joie de façon tapageuse. En cas de défaite, il nous demandait si nous nous étions battus au meilleur de nos capacités et nous offrait un mot d’encouragement, sans jamais exprimer de déception, pendant que d’autres entraîneurs réprimandaient leurs athlètes à la vue de tous parce qu’ils n’avaient pas assez bien performé.

À sa façon, M. Damblant nous a aidés à développer notre confiance en soi et nous a fait vouloir persévérer et travailler pour nous améliorer. Il nous a aussi offert un parfait modèle pour savoir comment traiter les autres avec respect. Il n’est pas surprenant de savoir qu’au fil du temps, il a aidé près de 300 personnes, hommes et femmes provenant de tous les milieux, à atteindre la ceinture noire, et que bon nombre d’entre eux ont atteint un niveau très élevé et ont ouvert leurs propres écoles.

Pour moi, M. Damblant représente un modèle de dévouement, d’excellence, de respect et de dignité tranquille. Lorsque je mets le pied sur le tatami, il est mon inspiration, non pas d’un point de vue technique, car sa connaissance du judo surpasse de loin la mienne, mais je me laisse guider par son comportement, et j’agis d’une façon qui le rendrait fier s’il pouvait me voir. Toutes ces fois où je n’ai pas été à la hauteur des exigences qu’il s’imposait lui-même en notre présence, son exemple m’a inspiré à toujours viser l’amélioration.

Il y a quelques semaines, après avoir déjà été honoré par la Fédération Internationale de Judo et l’Union Panaméricaine de Judo, M. Damblant a été honoré par Judo Canada pour son travail de toute une vie lors d’une cérémonie qui l’aurait probablement rendu inconfortable et à laquelle il n’a pas pu assister. Ce texte est l’hommage que je lui aurais rendu si j’avais eu la chance de prendre la parole pour l’honorer devant tous lors de cette cérémonie.

 

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